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Mais quel plaisir intense!

Déguster un cigare c’est devenu pour moi un moment vraiment particulier. Un plaisir intense. Une partie du temps où je m’échappe de tout.

Choisir sa vitole, la couver du regard, la toucher, l’humer, c’est déjà un véritable rituel avant de l’allumer. La promesse d’un long moment d’abandon, de plaisir. Enfin, en général, parce que la déception peut aussi être présente. Lui couper la tête ensuite, avec l’outil approprié. Des ciseaux ou une guillotine? Un cutter en V? Un emporte-pièce fin ou large? Certains n’emploient que l’un ou l’autre en toute circonstance. D’autres choisissent en fonction de l’objet de leur désir. Pour ma part, ça dépend de l’endroit où je me trouve. J’ai toujours une guillotine toute simple sur moi (vraiment bon marché, parce que je la perds régulièrement) au cas où… Mais en règle générale, je choisis l’ustensile en fonction du cigare quand je le connais bien.

Sa tête coupée, à cru, j’aspire plusieurs fois pour tenter de découvrir quelques arômes. Je suis encore loin d’être expert en la matière mais je parviens à en détecter certains, ceux de base. Je peux ainsi attendre un bon petit moment avant de l’allumer. Mais, le moment venu, nouveau dilemme: briquet torche ou à flamme douce? Je marque de plus en plus une préférence pour le premier parce qu’il permet, selon moi, un allumage plus régulier, s’il est bien utilisé. Et il peut être utilisé aussi bien en intérieur qu’en extérieur, même par grand vent! Doucement, je toaste le pied du cigare, en commençant par l’extérieur et en revenant vers le centre avec la flamme bien maintenue à distance, pour éviter de cramer la tripe. Ensuite, je le fais rougir et aspire quelques petits bouffées pour démarrer la combustion. Quand j’en arrive à ce point, les fumeurs de cigarettes son déjà presque sur le point d’écraser leur sèche dans le cendrier alors que pour moi, le plaisir ne fait que commencer.

Je suis du genre à déguster ma vitole très lentement. J’ai lu que pour tirer un maximum de plaisir, il fallait mieux n’aspirer qu’une bouffée par minute et j’ai adopté cette technique. Le tabac ne monte alors pas trop en température et dégage un maximum d’arômes.

Au long de ma dégustation, je pratique de temps à autre une rétro-olfaction, j’aspire la fumée par la bouche et la rejette par le nez (je n’ai jamais tenté l’inverse parce que je me vois mal avec un cigare dans la narine). L’explication de cette façon de faire: certaines saveurs (sucré, salé, amer, acide) se détectent par la langue mais la rétro-olfaction excite le bulbe olfactif situé au-dessus de la cavité nasale et permet de détecter les arômes.

En plus, en fonction de sa longueur, je dégaze trois ou quatre fois après avoir dépassé la moitié de mon module pour éliminer les gaz de combustion qui se sont amassés dans la sa tête : j’approche la flamme de mon briquet à plus ou moins deux centimètres, je souffle lentement dans le cigare pour que ces gaz s’échappent et s’embrasent. Je répète l’opération jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de flamme. Je retrouve alors des arômes qui étaient cachés à cause du goût amer provoqué par ces résidus.

Si je suis satisfait, je tenterai de fumer mon cigare jusqu’au moment où je risque de me brûler les poils de la moustache. On appelle le troisième tiers du module « purin » (les tiers de cigare sont des mesures approximatives, tout ne change pas d’un pile poil au passage d’un tiers à l’autre). J’ai l’impression que ce terme est pour le moins péjoratif et fait penser à certaines odeurs nauséabondes d’arrière-ferme. Ce n’est pas (toujours) le cas pour la dernière partie  qui est souvent très agréable à déguster également.

C’est fini? Nenni! Quand il est terminé, je l’abandonne, sans l’écraser, dans un cendrier (que je vide très régulièrement). Je n’aime pas écraser quelque chose avec lequel j’ai pris du plaisir. Puis, dans un petit carnet, je colle la bague, indique la date, ce que j’ai fumé, dans quelles conditions et… tout mon ressenti.

Souvent, j’ai donc passé plus d’une heure totalement hors du temps, à déguster, regarder la fumée qui s’échappe, admirer la cendre et la tenue de celle-ci.

Un bon pote, fin gastronome me disait que c’était un peu con, tout cet argent qui part en fumée. Ce n’est pas plus con que son argent à lui qui part en fin de compte dans les toilettes.